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Blog de Fabien
15 avril 2008

Jean Michel Bernard : entre le jazz et le 7ème Art

Jean_Michel_Bernard 

  Dans la sphère des « béophiles », il est le compositeur français du moment. Entre Be Kind Rewind de son ami et complice Michel Gondry et la sortie imminente de Cash d’Eric Besnard, le jazzman de 46 ans Jean-Michel Bernard prend le temps de réaliser des concerts. Il était le 11 avril dernier au BéoFestival à Paris et donnait une conférence à la SACEM quelques jours plus tard pour le centenaire de la musique de film. Coup de projecteur sur un homme de l’ombre tombé dans la marmite de la musique quand il était petit...

  Le point commun entre Ray Charles, Ennio Morricone et Lalo Schifrin ? C’est Jean-Michel Bernard. Le compositeur français a collaboré avec ses trois monstres sacrés au cours de sa carrière. Ray Charles n’a accepté qu’il l’accompagne sur sa tournée que s’il était meilleur pianiste que lui. Ce fut le cas. Et le début d’une tournée magique de quatre années, jusqu’à la disparition du chanteur noir américain. A l’évocation de Ray Charles, Jean-Michel Bernard ne peut contenir un sourire nostalgique. « Avec lui, c’était toujours des aventures… » Il se souvient notamment d’un concert en Australie où il avait trouvait Ray Charles moins performant que d’habitude. A la fin du concert, Ray Charles lui confie alors : « Ne t’inquiète pas Jean-Michel, je ne suis pas devenu complètement fou ! Mais quelqu’un a collé un chewing-gum sur mon piano et j’ai mis deux morceaux à trouver où il était ! » Une anecdote savoureuse parmi toutes celles qui ont marqué les rencontres inoubliables de sa vie d’artiste.
  La stature imposante de Jean-Michel Bernard impressionne de prime abord. Mais le voir jouer au piano, certainement plus. S’il croit au talent et un peu moins à la chance, son cheval de bataille reste le travail. Le parcours de sa carrière n’est pas rectiligne. Il a fait ses armes à France Inter, dans la publicité ou même dans les émissions de variétés sur TF1. Il ne renie pas son passé, mais ne cache pas que certaines propositions n’ont été acceptées que pour des raisons alimentaires. Aujourd’hui, il a enfin la reconnaissance qu’il mérite. Et donc le luxe de pouvoir choisir ses projets. Sans pour autant tomber dans la fausse modestie, l’homme se veut lucide. « J’ai toujours été quelqu’un d’ambitieux, mais jamais arriviste. Aujourd’hui, c’est l’aboutissement d’années de travaux divers et variés… »

"Elegant man"

  Jean-Michel Bernard n’est pas de ceux qui veulent être vus pour faire la Une des magazines. Il n’a d’ambition que celle d’être entendue. Dans un café, il ressemble à Monsieur tout-le-monde avec ses habits sobres et feutrés, ses cheveux et sa mèche grisonnants et sa bouille « Tex Averienne ». Le regard droit, le sourire franc et décomplexé, il monopolise l’attention de ses interlocuteurs avec une aisance déroutante et une bonhomie communicative. Mais là où il excelle le plus sûrement, c’est dans l’art de s’entourer. L’homme est fidèle en amitié et exigeant dans son travail. Les musiciens qui l’accompagnent lors de ses concerts sont des amis de toujours. Mais il sait faire la part des choses. « Je veux m’entourer des meilleurs et c’est évident qu’on s’entend mieux avec des gens avec qui on aime travailler. Moi, je souhaite à tout le monde d’avoir des amis aussi talentueux que les miens. »
  L’inverse est vrai également. On pourrait souhaiter à tout le monde d’avoir des amis aussi talentueux et humble que le compositeur attitré de Michel Gondry. Et justement. Michel Gondry et Jean-Michel Bernard, c’est une histoire comme il en existe beaucoup au départ. Les deux hommes se sont rencontrés grâce à un ami commun dans leur jeunesse. Ils n’imaginaient pas le destin qui allait les lier tous les deux. A l’instar d’un Tim Burton et d’un Danny Elfman, ils ont très vite su conjuguer l’univers visuel de l’un avec celui musical de l’autre. Chose rare comme l’explique Jean-Michel Bernard : « Avec un réalisateur, il y a une chance sur deux pour que ça ne marche pas ! Les rapports sont souvent compliqués, il s’agit avant tout de rapports humains ».
  Le compositeur de "La science des rêves" compare son métier à celui d’un architecte : « Il faut avoir comme eux le sens des éléments dans l’espace ! » Ce mélodiste sait qu’il a fait ses preuves dans la musique de films. Ce n’est donc pas un hasard de voir Hollywood lui faire les yeux doux à présent. Le succès ne l’empêche pas de garder la tête sur les épaules et de rester prudent. Et s’il l’oubliait, il sait qu’il pourrait compter sur son épouse Kimiko Ono-Bernard pour le lui rappeler. La jeune femme veille à ses côtés. Pendant les répétitions de son mari quelques heures avant le concert, elle est là. Discrète. Souriante. Bienveillante telle un ange-gardien venu d’Orient. Mais elle est aussi admirative de son époux. Celui-ci l’a fait chanter à plusieurs reprises sur ses scores et projette d’écrire pour elle un album. Même si elle n’est pas chanteuse mais céramiste, le timbre particulier de sa voix inspire le compositeur. Il suffit d’écouter "Golden the pony boy" de "La science des rêves" pour s’en rendre compte.
  Jean-Michel Bernard est l’elegant man de la musique. Avenant et accessible avec les jeunes compositeurs, il n’hésite pas à les parrainer et les conseiller dans leur travail. Il est conscient que la musique est souvent la dernière roue du carrosse dans un film. « C’est un langage différent, donc souvent incompris ». Complice avec ses musiciens, il parvient toujours à arriver à ses fins. Parfois de manière un peu vigoureuse, quand la pression d’un concert se fait sentir ou que le résultat n’est pas fidèle à ce qu’il attend. Le plus souvent, avec un zeste d’humour toujours agréable. Lorsque, par exemple, ses compères de scène se déchaînent à un rythme trop effréné sur un morceau très swing de la BO de Cash, il leur rétorque simplement : « C’est pas ça le bon tempo les gars. Je le sais, c’est moi qui l’ai écrit ! » Les sourires amusés gagnent le visage de ses amis. La répétition d’après est réussie. Le tempo sera le bon.
  Chef de bande et diplomate, le compositeur touche-à-tout est aussi un observateur averti. Il choisit ses mots aussi bien que ses notes et ne les distille jamais inutilement. Si ses amis sont unanimes pour louer sa générosité et son humilité, c’est avant tout parce qu’il est sincère dans tout ce qu’il entreprend. Il suffit pour s’en convaincre de voir ses yeux briller lorsqu’il remet un prix à son ami compositeur Pierre Adenot. Un bonheur vrai. Une émotion sincère. Jean-Michel Bernard a la classe des grands. Le talent des géants. C’est un artiste avant tout, qui donne à son public sans compter. Il est à la ville comme à la scène : généreux. Lors de son concert au Divan du monde, il n’aura pas hésité à exécuter le morceau « juge de paix » de tous les pianistes : « Carolina Shout ». Il avait le doigt en sang. Mais, il en fallait plus pour l’arrêter. D’ailleurs, on ne voit pas ce qui pourrait arrêter l’ascension sur les toits de la musique de film de ce pianiste-jazzman hors-pair. Non, décidément. On ne voit pas…

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